La Notte de Michelangelo Buonarroti
Julien de Médicis, qui dirigeait la ville de Florence avec son frère aîné, Laurent le Magnifique, fut assassiné en 1478 lors de la conjuration des Pazzi. Ornant son tombeau, voici la Nuit, l'une des deux allégories sculptées près d'un demi-siècle après sa mort par Michel-Ange (l'autre étant le Jour sous les traits d'un vieillard) :
Michel-Ange, La Notte (Eglise San Lorenzo, Florence)
A propos de cette sculpture, Giovanni di Carlo Strozzi, vers 1545, écrivit l'épigramme (dans le sens d'inscription gravée sur un monument) suivante :
« La Notte, che tu vedi in si dolci atti
Dormir, fu da un Angelo scolpita
In questo sasso e perche dorme ha vita:
Desta la, se nol credi, e parleratti. »
que Michel-Augustin Varcollier traduit ainsi dans son édition des Poésies de Michel-Ange (1826) :
« La Nuit, que tu vois dormir dans un si doux abandon, fut sculptée par un Ange ; puisqu'elle dort, elle vit : si tu en doutes, éveille-là ; elle te parlera. »
La réplique, ingénieuse et amère, de Michel-Ange est à la hauteur. Il décide de laisser la parole à la statue (ce fait, compte tenu de la teneur du quatrain, constitue évidemment un paradoxe mais ce n'est pas là très important) :
« Caro mi e'l sonno, e più l’esser di sasso,
Mentre che'l danno e la vergogna dura:
Non veder, non sentir, mi è grau ventura;
Però non mi destar, deh! parla basso. »
Traduction de M.A. Varcollier (ib.) : « Il m'est doux de dormir ; plus doux encore d'être de marbre, dans ces temps de malheurs et d'opprobre. Ne rien voir, ne rien sentir est un bonheur pour moi : ne m'éveille donc point ; parle bas. »