Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le bréviaire de Fairing
23 mars 2020

Taha Bouhafs, Virginia Woolf et le gingembre

Fin février 2020, la gauche dite "radicale" se déchire entre gingembristes et antigingembristes :

Twitter Taha Bouhafs ginger

 

 

Des figures tutélaires sont sommées de se positionner, d’Olivier Besancenot à Frédéric Lordon :

 

 

Taha Bouhafs Besancenot ginger

 

 

 

Taha Bouhafs Lordon ginger

 

 

Aimer ou pas le gingembre…

Au début du vingtième siècle, Virginia Woolf avait fait de cette question un traitement quasi existentiel dans son premier roman (The Voyage Out, 1915) à l’occasion d’un dialogue, au chapitre XIX, entre Rachel, la jeune héroïne, et Miss Allan, une professeure de littérature anglaise :

Elle chercha quelque chose du regard autour d’elle et vit alors un pot sur la cheminée, qu’elle descendit et tendit à Rachel. « Si vous plongez votre doigt dans ce pot, vous pourrez en extraire un morceau de gingembre confit. Etes-vous un prodige ? »

Mais le gingembre était au fond, et on ne pouvait l’atteindre.

« Ne vous en faites pas », dit-elle, cependant que Miss Allan cherchait quelque autre instrument. « Je crois que je ne devrais pas aimer le gingembre confit.

- Vous n’avez jamais essayé ? s’enquit Miss Allan. Alors, à mon avis, je considère qu’il est maintenant de votre devoir d’essayer. Voyons, vous pouvez peut-être ajouter un nouveau plaisir à l’existence, et comme vous êtes encore jeune… » Elle se demanda si un crochet à bottines ferait l’affaire. « J’ai pour principe de tout essayer, dit-elle. Ne pensez-vous pas qu’il serait très fâcheux que, goûtant du gingembre pour la première fois sur votre lit de mort, vous découvriez que vous n’aviez jamais rien mangé d’aussi bon ? Moi, j’en serais tellement fâchée que je crois que ça suffirait à me rétablir. »

Elle arrivait maintenant à ses fins, et un morceau de gingembre émergea au bout du crochet. Tandis qu’elle se mettait en devoir d’essuyer le crochet, Rachel mordit dans le gingembre et immédiatement s’écria : « Il faut que je le crache !

- Etes-vous sûre de l’avoir réellement goûté ? » exigea Miss Allan.

Pour toute réponse, Rachel le jeta par la fenêtre. 

 « Cela a été une expérience, en tout cas, fit Miss Allan calmement. »

Pour ceux qui connaissent la fin de ce roman, ce passage prend une dimension, une saveur particulière.

 

Plus loin, au chapitre XXIV, Miss Allan se souviendra de cette anecdote, tandis que la jeune et la vieille génération (Rachel 24 ans et Mrs Thornbury 72 ans) se ligueront contre elle :

Bienveillant, son regard s’attardait sur leur couple, et, après une courte pause, regardant Rachel comme si elle s’était souvenue de quelque chose qui permettrait de la conserver distincte des autres, elle observa :

« Vous êtes cette personne remarquable qui n’aime pas le gingembre. » Mais le sourire qui éclairait de bonté son visage courageux et passablement marqué leur fit sentir que, bien qu’elle se souvînt à peine d’eux en tant qu’individus, elle avait déchargé sur eux le fardeau de la nouvelle génération.

« Et en cela je suis en parfait accord avec elle », dit une voix derrière eux ; Mrs. Thornbury avait surpris les derniers mots concernant le gingembre. « Il est associé dans mon esprit à l’une de nos horribles vieilles tantes (la pauvre, elle souffrait horriblement, et il n’est pas juste de la traiter d’horrible) qui avait l’habitude de nous en donner lorsque nous étions enfants, et nous n’avons jamais eu le courage de lui avouer que nous ne l’aimions pas. On se contenter de le recracher dans le massif d’arbustes – elle avait une grande maison près de Bath. »

 

 

Virginia

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le bréviaire de Fairing
Publicité
Le bréviaire de Fairing
Archives
Me suivre sur Twitter
Visiteurs
Depuis la création 47 568
Publicité